Paroles de jeunes africaines : l’histoire de Zeinabou, 15 ans
En dépit de l’absence de sa mère à ses côtés, Zeinabou semble bénéficier d’un bon soutien familial. Elle exprime simultanément un fort désir d’autonomie et la hantise de voir ses projets entravés. Hantise qui accroit sa défiance envers les hommes, y compris envers celui qu’elle désigne comme son petit ami.
" Nous sommes huit enfants de la même mère. Après moi, je n’ai qu’un jeune frère. Les autres sont presque tous mariés. Mes marâtres ont cinq et neuf enfants. Je les évite parce qu’ils ne s’apprécient pas entre eux. Mon père, qui est décédé, avait quatre frères. Mes cousins sont donc nombreux aussi, et eux non plus ne s’entendent pas du tout. La maison où je vis est celle de la famille. Ce sont les hommes qui donnent l’argent pour la nourriture. Il y un soudeur, un mécanicien, un menuisier et un qui va dans d’autres pays pour acheter des affaires qu’il vend ici."
La première fois qu’on est venu me demander en mariage, je n’avais même pas de seins. J’ai dit à la personne que c’était un assassin. J’ai parlé à ses parents mais ils ne m’ont pas écoutée : ils sont allés voir ma grande sœur, ils ont amené la dot… J’ai fui dès le lendemain. Ils sont allés me chercher partout dans un autre quartier de Niamey mais sans me retrouver. Ensuite, Ils sont revenus dans le mien, mais ils ne m’ont pas vue là non plus. J’ai déjà eu presque dix propositions de mariage…Actuellement, j’ai un petit ami, mais on ne cause pas tous les jours ensemble. Dans tous les cas, si tu veux te marier, tu es obligée d’accepter de causer… C’est lui qui m’a acheté la machine à coudre. Je vis dans la même maison que sa grand-mère, c’est là qu’on s’est connus. Il m’a promis le mariage. C’est un transitaire (personne qui achète des voitures au port de Cotonou pour les revendre à Niamey. Les transitaires ont la réputation d’avoir beaucoup d’argent)…
Même quand il m’a acheté la machine, au début, je lui ai dit que je n’en voulais pas… Moi, actuellement, mon objectif, c’est mon diplôme de couture. Si je me marie maintenant, je ne pourrai pas continuer l’apprentissage. Parce que même si, au début, il a l’intention de me laisser faire, les gens lui diront : « Mais comment tu fais pour laisser ta femme sortir comme ça ? Ce n’est pas un mariage ». Et il finira par céder. J’en ai vu plusieurs jeunes mariées comme ça, qui avaient payé pour l’apprentissage et qui ne pouvaient pas y aller.
Avec mon diplôme, je pourrai faire la couture même à la maison. C’est moi qui ai payé les frais d’inscription. J’ai payé 40 000 francs (62 euros). J’ai acheté les affaires pour le travail pour 22 000 francs (34 euros)…C’est parce que j’ai eu la chance d’avoir beaucoup de travail et donc beaucoup d’argent que j’ai pu payer l’inscription. En économisant, j’ai pu compter 50 000 francs dans ma main (75 euros)… J’en étais même arrivée au stade où, quand les garçons venaient chez moi, je ne les regardais même pas, je ne causais même pas avec eux. Je me disais que les 1 000 francs qu’ils pouvaient donner, c’était rien par rapport à ce que je pouvais gagner moi. C’était arrivé au stade où les gens me demandaient si j’étais vraiment une femme pour ne plus du tout vouloir avoir affaire aux hommes. Mais moi, je préférais passer toute la journée à coudre. Donc la nuit, je n’avais vraiment pas de temps pour causer…
Actuellement, ce que je regrette, c’est d’avoir quitté l’école en CM2. On m’avait envoyée à Tira, chez ma grande sœur (environ 160 km de Niamey). J’en parlais ce matin même à ma belle-sœur. Je lui disais que vraiment, l’école, j’aimerais y retourner… "
Source : #Equilibres et Populations, #Youphil.
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